Réaction du Collectif de lutte contre la pauvreté à Tournai

Tournai, la pauvrophobie te guette ...une nouvelle fois !

Demander la charité dans l’espace public ? Oui mais à condition d’être sur scène.

A l’heure où de nombreux regards vont se tourner vers des célébrités attendues sur la Grand-Place de Tournai pour dénoncer et combattre la pauvreté, la vue d’anonymes vivant dans nos rues continue de déranger dans notre chère commune.

Tandis que le froid agresse et que la pauvreté s’abat avec violence sur toujours plus d’hommes, de femmes et d’enfants, nous profitons de la venue de Viva for life à Tournai pour partager la réaction de notre Collectif aux différents articles parus dans la presse au sujet d’une mendicité dite « agressive ».

Dans le Courrier de l’Escaut et le Nord Eclair du jeudi 30 septembre, nous apprenions que le Conseil communal de Tournai avait remis sur la table le phénomène de cette mendicité dite agressive « qui fait fuir habitants et visiteurs » et la problématique des sans-abri face à laquelle la police est « démunie ».

Nous ne sommes pas naïf.ves : nous savons que certain.es mendiant.es commettent des incivilités et engendrent des troubles de l’ordre public pouvant notamment entraîner des sentiments de crainte et d’insécurité. Néanmoins, établir un lien direct de causalité entre mendicité et troubles de l’ordre nous semblent pour le moins malheureux et erroné. Tous.tes les mendiant.e.s, toutes les personnes précaires, ne sont pas des « hors la loi » et mendier n’est pas une infraction ou un délit : c’est d’ailleurs ce qui avait motivé le Conseil communal en 2017 à revoir sa position concernant l’arrêté permettant l’arrestation des mendiants aux abords des commerces, en cas de récidive.

Nous apprenons dans ces articles que "la police a une marge de manœuvre réduite, du fait qu’elle ne peut procéder à une arrestation administrative qu’en cas de réel trouble de l’ordre public". Nous nous en réjouissons : Il est rassurant en effet que les forces de l’ordre consacrent leur temps et leur énergie à résoudre d’autres problèmes et faire respecter la loi plutôt qu’à pourchasser des personnes qui sur-vivent. Rappelons une nouvelle fois qu’au regard de la loi, mendier ou vagabonder ne sont pas des délits. Il est heureux que dans un état de droit une police ne puisse pas procéder à une arrestation, administrative ou judiciaire, s’il n’y a pas eu de trouble ou de méfait. Cela nous semble essentiel en démocratie.

Le Bourgmestre de Tournai rappelle que ce sont des associations (dont notre Collectif) qui avaient, sous la précédente mandature, saisi le conseil d’Etat afin de faire barrage à la tentative d’adaptation du règlement général de police via une ordonnance communale anti mendicité. Il exhorte les associations à « travailler sur la problématique » et fait le constat que « quelques années plus tard, le phénomène est toujours présent et cause toujours autant de soucis. »

Nous espérons que le Bourgmestre ne sous-entend pas par-là que le secteur associatif ne fait pas son travail. Si c’était le cas, ce serait quand même un peu facile et surtout malvenu de sa part. Devons-nous rappeler qu’à ce sujet, la Ville de Tournai s’était engagée lors du Conseil communal du 30 janvier 2017 (heureusement il existe les comptes rendus de Conseil communal et des archives de la presse locale) à « réunir les acteurs sociaux, institutionnels et associatifs et les représentants de la justice et de la police en vue de la rédaction d’un cahier de recommandations visant à améliorer et à compléter les mesures de prévention en matière de lutte contre la précarité et la mendicité ».

La Ville de Tournai avait même évoqué l’idée de s’adjoindre les services d’expert.e.s académiques prestigieux.ses, l’anthropologue Pascale Jamoule et le sociologue Jean-Louis Genard, pour piloter méthodologiquement ces réunions. Nous, Collectif de lutte contre la pauvreté, avons déjà interpelé la Ville de Tournai en septembre 2017 pour lui rappeler cet engagement, pour que, enfin, elle crée cet espace destiné à la réflexion collective autour de ce phénomène de mendicité, pour lutter de concert et de façon concrète contre la précarité et surtout ses racines. Mais nous attendons toujours...

Pourtant, nous en sommes toujours convaincus, une réelle volonté politique de lutter contre les causes de la précarité, associée à un travail de terrain impliquant l’ensemble des acteurs concernés par la lutte contre la pauvreté reste la meilleure solution pour améliorer la qualité du « vivre ensemble » à Tournai.

La précarité conduit à la mendicité. La précarité est un problème global et complexe.

La lutte contre la précarité nécessite une multitude de solutions cohérentes et parfois additionnelles. Ce faisceau de solutions nécessaires pour y parvenir exige, c’est certain, des choix politiques fondamentaux. Braséro, l’accueil de jour pour personnes sans abri à Tournai, le rappelait dans un communiqué : nous avons besoin de moyens et des places d’accueil sont nécessaires pour lutter efficacement contre la pauvreté, sans pour autant la punir. Avec une ordonnance anti-mendicité, on ne résout rien, au mieux on cache le problème quelques heures ou on le déplace (vers Mouscron ou ailleurs ?). On se donne bonne conscience. On se rassure. Et on rassure ...faussement.

Tournai, la pauvrophobie te guette ...une nouvelle fois !

Le collectif de lutte contre la pauvreté à Tournai.

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