Carte blanche
Un arrêté de police indigne d’une commune hospitalière
Le Réseau Mouscron Terre d’Accueil a pris acte de l’arrêté de police placardé le 19 octobre 2021 sur le Centre Fedasil de Mouscron ordonnant, notamment, de limiter la capacité d’accueil du site à 400 personnes en respectant au minimum une proportion de 2/3 de familles du nombre effectif des résidents dans le centre et interdisant les places de résidents MENA.
Nous réaffirmons haut et fort que l’exil n’est pas un choix et que l’accueil des personnes fuyant la guerre et les persécutions est un devoir que la Belgique s’est donné en ratifiant la Convention de Genève de 1951 consacrant les Réfugiés. En outre, nous rappelons que la Ville de Mouscron est signataire de la motion « Commune hospitalière » par laquelle elle s’engage, entre autres, à garantir l’accueil et le séjour des migrants dans le respect des droits humains par, notamment l’accueil spécifique des demandeurs d’asile et des réfugiés, avec une attention particulière pour les MENA.
Pour le Réseau Mouscron Terre d’Accueil, cet arrêté de police signé par la Bourgmestre, est indigne d’une commune qui se dit humaniste et hospitalière. Où iront la moitié des résidents au vu de la saturation actuelle du réseau d’accueil belge (93 % d’occupation et accueil au Petit Château limité à 100 personnes par jour contraignant depuis plus d’une semaine 60 à 150 personnes à rester à la rue à défaut d’avoir pu introduire leur demande d’asile – une situation pourtant dénoncée depuis des semaines) ? Comment contraindre le centre Fedasil de Mouscron à accueillir 2/3 de famille minimum alors qu’en Belgique la proportion d’hommes isolés est de 40 % (42 % dans le centre Fedasil de Mouscron en octobre 2021) et celle de femmes isolées est de 6 % (7,4 % dans le centre Fedasil de Mouscron en octobre 2021) ? Comment peut-on interdire l’accueil de MENA (Mineurs étrangers non accompagnés - 8% de l’ensemble des demandeurs d’asile en Belgique / 5,7% dans le centre Fedasil de Mouscron en octobre 2021) alors qu’il s’agit d’un public hautement vulnérable en raison de leur parcours migratoire, de leur âge et de leur isolement (sans parents) ; sachant qu’il y a un déficit structurel de places d’accueil pour ces jeunes dans notre pays et que le centre Fedasil Mouscron a mis en place un projet d’accueil et d’accompagnement socio-éducatif dont celui de pa/marrainage qui permet d’intégrer au mieux ces jeunes. Comme le soulignent les parrains et marraines de ces jeunes, « des liens ont été tissés avec des acteurs scolaires, culturels et sportifs mouscronnois mais aussi avec des familles. Les conséquences de cet arrêté seront lourdes pour ces 48 jeunes ayant déjà eu à subir de trop nombreuses épreuves. (…) Cette fermeture signifierait surtout une rupture de leurs seules attaches. L’ensemble de leur projet socio-éducatif serait à reconstruire. Par ailleurs, en visant ces jeunes en particulier, en les forçant à briser leurs seuls liens, cet arrêté de police contrevient à la Convention des Droits de l’Enfant ratifiée par la Belgique en novembre 1989 stipulant notamment que les états doivent encourager la régularité de la fréquentation scolaire et assurer le droit de l’enfant de participer pleinement à la vie culturelle et artistique. »
Depuis la création du Réseau associatif et citoyen Mouscron Terre d’Accueil, nous avons toujours plaidé pour un accueil à taille humaine et conforme à la dignité des personnes accueillies. Nous pensons néanmoins que cet arrêté de police est de nature à attiser les tensions. Alors que le désarroi et l’angoisse des demandeurs d’asile sont déjà grands en raison de leur parcours d’exil et de la durée de la procédure (15 mois en moyenne) dont l’issue reste incertaine, cette menace d’expulsion vient ajouter un stress supplémentaire aux résidents. Le personnel du centre est lui aussi mis sous pression par cette décision. Fedasil se trouve au pied du mur vu la saturation des autres centres du pays. Des mesures récentes avaient été prises pour améliorer la sécurité dans et en dehors du centre. A-t-on laissé passer suffisamment de temps pour en voir les effets ?
Par ailleurs, nous ne pouvons que nous montrer effrayés et effarés quand l’extrême droite proclame que cet arrêté de police est une victoire obtenue par leur conseiller communal. De plus, cela nous apparait contre-productif en termes de cohésion sociale et de lutte contre le racisme et les discriminations.
Nous espérons que cette décision aura, au moins, pour effet de mettre la pression sur le Secrétaire d’Etat pour l’ouverture urgente de nouvelles places d’accueil et la diminution du délai de traitement des demandes d’asile annoncé depuis fin 2019. Le manque de place est une problématique récurrente et structurelle dans notre pays , ce qui est indigne d’un Etat de droit.
Ainsi, si nous nous indignons de la méthode employée par notre Bourgmestre pour contraindre Fedasil à améliorer ses conditions d’accueil, nous encourageons la Ville à remplir ses engagements en tant que commune hospitalière en maintenant le dialogue avec les autorités de Fedasil pour garantir l’accueil des demandeurs de protection internationale, en reprenant les réunions du comité de riverains ainsi que les réunions mensuelles avec les échevins concernés, l’administration communale, la police, Fedasil et les associations travaillant sur la problématique et en mettant en place un groupe de travail autour de la motion commune hospitalière afin de mettre en œuvre les différents engagements, promis depuis plusieurs mois afin de retrouver un climat de respect mutuel, de confiance et de convivialité dans la commune. Enfin, nous suggérons la recherche de solutions d’accueil à taille humaine, durables et solidaires à l’échelle de la Wallonie picarde. Renforcer les dispositifs d’initiatives locales d’accueil déjà existants dans la plupart des communes de Wallonie picarde et porter l’accueil des demandeurs d’asile en Wallonie picarde en discussion à la conférence des bourgmestres nous semble être des pistes à explorer.
Plus que jamais, le Réseau associatif et citoyen Mouscron Terre d’Accueil répète son engagement à favoriser le vivre ensemble, l’accueil, et l’intégration de la personne étrangère ainsi qu’à lutter contre les préjugés, le racisme et la xénophobie.